installation, 2017.
bois, tapis, impressions numériques, vidéo, son, céramique et fleurs.
Le travail de Bénédicte Lacorre trouve son origine dans une interrogation sur la complexité de l’expérience qu’elle peut vivre face à un objet dans le contexte du musée. En effet, les expôts, pris dans leur dispositif d’exposition, nous offrent à la vue leurs formes et leurs spécificités matérielles qui, plus d’une fois, arrivent à nous fasciner et à nous faire vivre ce que nous appelons souvent trop rapidement une « expérience esthétique ». Mais les expôts sont aussi les porteurs d’une histoire complexe qui s’étend depuis leur processus de production et leurs premières manipulations jusqu’aux usages politiques qui ont souvent conduit à leur capture et à leur mise en scène. Plus encore, les objets de musée et les musées sont aussi les produits et les reproducteurs d’un imaginaire de l’Histoire très XIX° siècle qui a figé certaines statues ou certains tableaux dans le rôle de représentant archétypique et approximatif d’une époque révolue – telle statue grecque à la blancheur immaculée devient l’incarnation de l’art grec antique. La collision entre le temps de l’expérience esthétique (si l’on accepte l’idée d’une telle expérience), le temps de la compréhension historique et le fantasme de l’Histoire crée une situation dont les différentes épaisseurs sont souvent difficilement démêlables. C’est ici que commence le travail de Bénédicte Lacorre.
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Plutôt que de chercher à déconstruire de manière résolument critique la complexité de l’expérience du spectateur de musée, l’artiste s’en sert comme d’un marche-pied pour engendrer des œuvres évoquant le musée comme forêt de signes et lieu d’une expérience saturée. Jouant beaucoup de l’appropriation, Bénédicte Lacorre se saisit de reproductions d’œuvres glanées sur internet ou achète des modélisations 3D d’objets antiques sur le site internet de tel grand musée. Elle les reproduit ensuite dans le cadre d’installations complexes où ces images deviennent motifs pour des rouleaux de papiers peints, objets numériques vivant une existence étrange dans des univers animés en 3D ou encore céramiques bien réelles ponctuant l’espace du spectateur. Ces objets devenus images se font écho les uns les autres : une céramique pourra ainsi évoquer un objet numérique et inversement. Ces artefacts liés entre eux, mais aussi reliés à l’Histoire ou à son fantasme définissent le lieu d’une collection singulière que chaque installation vient remettre en jeu.
Nicolas Fourgeaud[/read]